samedi 7 février 2009

[Présent] Vatican II n’est pas un « super-dogme » - Yves Chiron - 7 février 2009

En mai 1988, concernant les « points enseignés par le concile Vatican II » qui paraissent, à la Fraternité Saint-Pie X « difficilement conciliables avec la tradition », Rome avait demandé, et la Fraternité Saint-Pie X avait admis, « une attitude positive d’étude et de communication avec le Saint-Siège, en évitant toute polémique ».

En 2006, lors de la création de l’Institut du Bon Pasteur, il n’a pas été demandé non plus une a
dhésion pour ainsi dire littérale aux textes du concile Vatican II. Le communiqué officiel publié alors par l’IBP précisait : « chaque membre fondateur reconnaît personnellement ”respecter le Magistère authentique” du Siège Romain, dans ”une fidélité entière au Magistère infaillible de l'Église” (Statuts II §2). D'un point de vue doctrinal, conformément au discours du pape Benoît XVI à la Curie Romaine le 22 décembre 2005, les membres de l'Institut, autant qu'il est en eux, sont engagés par une ”critique sérieuse et constructive” du Concile Vatican II, pour permettre au Siège Apostolique d'en donner l'interprétation authentique. »

En janvier 2009, par le décret de levée d’excommunication des quatre évêques de la FSSPX, le Saint-Siège reconnaît que « sur les questions encore ouvertes » des discussions (colloqui) sont « nécessaires ». Parmi ces « questions encore ouvertes » figurent, bien sûr, certains textes du concile Vatican II.

Ces vingt dernières années, donc, à trois reprises, sous Jean-Paul II puis sous Benoît XVI, le Saint-Siège a reconnu, dans des actes officiels, que les actes du concile Vatican II ne sont pas une nouvelle table de la Loi.

En 1988 encore, dans une conférence prononcée devant les évêques du Chili et de Colombie, le 13 juillet, le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a reconnu qu’ « une obéissance ”en bloc” à Vatican II » n’était pas exigée du Saint-Siège.

Pourtant, ces derniers jours, la Conférence des évêques de France, dans le communiqué publié par son Conseil permanent, pose une exigence : « En aucun cas, le Concile Vatican II ne sera négociable ».

Il y a contradiction.

On doit faire remarquer encore que pas plus que le Saint-Siège n’exige d’accepter le concile Vatican II comme un « bloc », pas plus la Fraternité Saint-Pie X, du moins par la voix de son Supérieur général, Mgr Fellay, ne refuse « en bloc » le concile Vatican II.

« Nous rejetons une partie du concile » a déclaré récemment Mgr Fellay au journal suisse Le Temps. Donc, pas tout le concile.

La concile n’est pas « un recommencement à partir de zéro »

C’est la nature-même du concile Vatican II qui a provoqué les difficultés passées et actuelles, les querelles d’interprétation passées et actuelles. Concile atypique, à différents points de vue, à la différence des conciles œcuméniques passés, il n’a défini aucun dogme, il n’a prononcé aucune condamnation, il n’a promulgué aucun canon disciplinaire.

Les textes qu’il a promulgués (constitutions, décrets, déclarations) sont certes de nature différente mais appartiennent tous, par leur caractère non dogmatique et non canonique, à un « registre plus modeste ». C’est le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Ratzinger, qui l’a reconnu, il y a vingt ans, dans la conférence déjà citée : « La vérité est que le concile lui-même n’a défini aucun dogme. Il a voulu de manière consciente s’exprimer selon un registre plus modeste, comme un concile simplement pastoral ; cependant, beaucoup l’interprètent comme s’il était un ”super-dogme” qui enlève à tout le reste son importance. »

Vatican II doit être lu et interprété à la lumière des conciles antérieurs, et non l’inverse. Le cardinal Ratzinger le disait lors de la même conférence : « il existe une courte vue qui isole Vatican II et qui a provoqué l’opposition. Nombre d’exposés donnent l’impression que, après Vatican II, tout a changé et que tout ce qui est antérieur ne peut plus avoir de validité, ou, dans le meilleur des cas, il ne doit l’avoir qu’à la lumière de Vatican II. Le deuxième concile du Vatican n’est pas traité comme partie de la totalité de la tradition de l’Eglise, mais directement, comme la fin de la tradition et comme un recommencement complet à partir de zéro. »

Pourtant, cette théorie du « recommencement » a longtemps été soutenue et appliquée par des théologiens et par des évêques. Par exemple, en 1977, le Père Congar, un des théologiens qui furent parmi les plus influents au concile Vatican II, jugeait légitimes « des relectures et une « re-réception » de Vatican I, concile dogmatique, à la lumière de Vatican II, concile pastoral.

Dans la correspondance qu’il avait eue avec lui sur ce sujet et sur d’autres, Jean Madiran avait soutenu le contraire : « Je tiens au contraire que le devoir catholique est de recevoir Vatican II à la lumière de Vatican I ; et d’une manière générale, d’interpréter le dernier concile dans la ligne, dans le contexte, dans la continuité, dans la cohérence de tous les conciles antérieurs » (Jean Madiran, Le concile en question, DMM, 1985).

Cette position de Jean Madiran en 1977 sera celle du cardinal Ratzinger en 1988 et celle qu’il a explicitée, devenu pape, dans son fameux discours du 22 décembre 2005 sur l’ « herméneutique du concile ». Benoît XVI y affirme que les actes du concile Vatican II ne doivent pas être lus comme une « discontinuité » et une « rupture ».

C’est au Magistère pontifical d’aider les fidèles, et les théologiens, et les évêques, à faire la lecture adéquate des actes du concile Vatican II, en éclairant, complétant, précisant, rectifiant si nécessaire ce qui a été dit et écrit de manière « pastorale » dans les quatre sessions conciliaires entre 1962 et 1965.

Yves CHIRON