samedi 3 janvier 2009

[Présent] Les faux prêtres et faux évêques du Frechou - Yves Chiron - 3 janvier 2009

[Présent] Les faux prêtres et faux évêques du Frechou - Yves Chiron - 3 janvier 2009

Un hebdomadaire, bien intentionné et dépourvu d’hostilité à l’égard de l’Eglise catholique, publie un reportage sur l’action charitable de la Fraternité Notre-Dame en Mongolie. Son « dévouement exemplaire dans un pays oublié du monde » est évoqué sur deux pleines pages, avec photographies à l’appui. Les deux journalistes ne tarissent pas d’éloges sur ces religieux et religieuses « venus de France » qui « gèrent des logements, une école et un orphelinat ».

Nous est simplement signalé, en quelques lignes au milieu de l’article, que cette congrégation, « attachée au rite de saint Pie V », est « non reconnue par le Saint-Siège », que son fondateur, « Mgr Jean-Marie », affirme « avoir assisté, le 10 juin 1977, à une apparition de la Vierge au Fréchou, une petite communauté du Lot-et-Garonne » et que cette congrégation « fut classée comme “secte“ dans un rapport de 1995, mais sans éléments tangibles ».

C’est un peu court. On n’attend pas d’un hebdomadaire d’actualités, généraliste, qu’il expose dans le détail l’histoire d’une congrégation religieuse, mais quand il s’agit d’une communauté contestée dont on vante les réalisations, il faut s’informer davantage et informer les lecteurs.

Le fondateur en question, Roger Kozik à l’état-civil, prétend avoir eu non pas une apparition de la Vierge Marie mais des dizaines, qui continuent, dit-il, aujourd’hui. Ancien séminariste, il s’est fait ordonner prêtre à trois reprises par de pseudo-évêques : en juin 1974 par Jean Laborie, qui fondera plus tard l’ « Eglise Catholique Latine » ; en janvier 1976 par André Enos, qui se prétend « Primat des Eglises catholiques indépendantes », en mai 1977 par un pseudo-évêque lié aux fausses apparitions de Palmar de Troya. L’ « abbé » Kozik a été consacré évêque, quelques jours plus tard, au même endroit. Puis, en 1978, ayant rompu avec la secte palmarienne, il s’est fait sacrer évêque, une deuxième fois, par Mgr Ngo Dinh Thuc, seul évêque catholique, dans cette histoire, a avoir été consacré canoniquement.

On sait que les consécrations inconsidérées faites par Mgr Thuc, sans mandat pontifical, n’ont jamais été reconnues par l’Eglise. Roger Kozik a lui-même ordonné prêtres et consacré évêques plusieurs membres de sa communauté.

Tout cela ne relève que de la triste histoire des marges et déviances religieuses. Mais la dite-Fraternité Notre-Dame cache ses origines réelles et se fait passer pour ce qu’elle n’est pas. Son action caritative, dans plusieurs pays (Etats-Unis, Mongolie, etc ?), abuse les autorités politiques et les institutions sur sa vraie nature : la Fraternité Notre-Dame est tout entière fondée sur l’illusion mystique et l’illégalité canonique.

Pourtant, nombre d’autorités et d’institutions sont mal informées à son sujet et comblent d’honneurs son fondateur. En novembre 2002, sur proposition du Ministère de la Coopération et de la Francophone, « Mgr Kozik » a été élevé au grade de chevalier de l’Ordre national du Mérite pour ses « 32 ans de vie religieuse, de dévouement et de services militaires ». L’année suivante, en présence de l’intéressé, le nom du « Rev. Bishop Jean Marie R. Kozik » a été donné à une rue de Chicago (le consul de France prononça son éloge). En 2004, à New-York, le visionnaire-fondateur a reçu le Paul Harris Fellow Award, la plus haute distinction décernée par le Rotary Club. Depuis plusieurs années aussi, la Fraternité Notre-Dame a été admise parmi les organisations non gouvernementales dotées d’un statut consultatif spécial auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies.

Des condamnations

Toutes ces institutions ignoraient, on veut le croire, la situation canonique réelle de l’intéressé. Depuis le 13 août 1977, les évêques successifs d’Agen ont multiplié les déclarations et les mises en garde contre les apparitions du Fréchou jugées non authentiques. L’Eglise catholique ne reconnaît pas les ordinations et consécrations reçues par Roger Kozik et ses compagnons.

Qui plus est, le 10 mai 1991, suite à des plaintes d’anciens adeptes du Fréchou, la Cour d’appel d’Agen a confirmé une condamnation « pour abus de confiance » contre Roger Kozik et trois autres membres de sa communauté : des peines de prison avec sursis, assorties d’une mise à l’épreuve de trois ans et d’une privation de droits civiques pendant cinq ans. En décembre suivant, la Cour de Cassation rejetait le pourvoi déposé par les condamnés.

Désormais la « Maison Mère de l’Ordre » est établie à Chicago, « Mgr Jean-Marie » y réside habituellement. Mais la chapelle du Fréchou et la communauté établie sur place attirent toujours beaucoup de fidèles naïfs et mal informés.

Yves Chiron