samedi 31 janvier 2009

[Présent] Minimalisme et maximalisme – Yves Chiron - 31 janvier 2009

[Présent] Minimalisme et maximalisme – Yves Chiron - 31 janvier 2009

L’abbé Nicola Bux, professeur de liturgie et de théologie sacramentaire, est consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et consulteur de la Congrégation pour les Causes des Saints. En septembre, il a été nommé membre du Bureau des célébrations liturgiques du Souverain Pontife. Depuis quelques mois, il est aussi un collaborateur régulier de l’Osservatore romano. Il pourrait bientôt être nommé à un poste de responsabilité à la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements.

C’est un théologien proche du Pape. Il a collaboré à la mise au point du motu proprio du 7 juillet 2007 et il est un des ardents partisans de la « réforme de la réforme » [celle de Paul VI ] : « il faut réformer ce qui a été déformé et qui n’a jamais été voulu par le Concile » a-t-il déclaré. Il y a trois mois, il a publié une défense et illustration de la réforme engagée par Benoît XVI (La Riforma di Benedetto XVI. La liturgia tra innovazione e tradizione, Piemme). Il célèbre ordinairement la messe selon le rite de Paul VI, « mais, dit-il, je ne me suis jamais refusé de célébrer la Messe sous la forme extraordinaire ».

Avec un autre théologien, l’abbé Salvatore Vitiello, il publie chaque semaine, sur le site de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, une sorte d’éditorial théologique, Le Parole della Dottrina, qui est repris par de nombreuses publications ou d’autres sites internet en Italie et à l’étranger.

Leur dernier éditorial est consacré à la question du Magistère et à la réception de ce qu’on pourrait appeler « la parole pontificale ». Ils déplorent la « sourde opposition » et la « censure du magistère pétrinien » qui se sont répandues dans l’Eglise. Depuis 1968, précisent-ils, « avec la contestation de l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI ». On peut contester cette périodisation et repérer des « sourdes oppositions » et des « censures du magistère pétrinien », bien avant.

On sera d’accord, en revanche, avec leur description de nombreux documents épiscopaux : « Dans de nombreuses Lettres pastorales, on ne cite plus le pape comme étant le point de référence de l’authenticité et le garant de la catholicité de l’enseignement épiscopal, mais, le Cardinal, ou le théologien, ou le laïc, même non croyant, ou le moine de renom du moment, en les considérant comme des interprètes autorisés de l’enseignement officiel de l’Eglise. En outre, on donne parfois l’impression que l’on pense que l’une de leurs déclarations, même si elle diffère de la vérité catholique, a un poids égal à celui d’une intervention pontificale. »

Don Nicola Bux et don Salvatore Vitiello déplorent « la confusion et la désorientation » répandues chez les fidèles à cause de « l’indifférence envers le Magistère » de nombre de prêtres et d’évêques.

Il y a quelques années, le cardinal Ratzinger avait mis en garde contre « une sorte de ”magistère parallèle“ des théologiens ». Dans certains cas aussi, hélas, il y a une sorte de ”magistère parallèle” des évêques ou des conférences épiscopales.



Qu’est-ce que le Magistère ?


Les abbés Bux et Vitiello soulignent à juste titre : « Il n’est pas rare que les fidèles quand ils entendent prêcher un prêtre ou un Evêque, d’une manière différente de celle du Pape, souffrent de la confusion que cela engendre, et demandent l’uniformité de l’enseignement ! ».

Mais, inversement, il ne faudrait pas imposer ce qu’on pourrait appeler un « maximalisme magistériel » et étendre l’assentiment dû au magistère à toute parole qui vient du Pape et à tout ce qu’a dit le concile Vatican II, par exemple. Outre la distinction, classique, entre magistère infaillible et magistère ordinaire, il faut considérer que l’assistance divine au Magistère ne s’étend pas à toute parole et écrit venu de Rome, et a fortiori des évêques. L’instruction Donum veritatis, publiée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi en juin 1990, reconnaît que le Magistère « peut intervenir sur des questions débattues dans lesquelles sont impliqués, à côté de principes fermes, des éléments conjecturaux et contingents. Et ce n’est souvent qu’avec le recul du temps qu’il devient possible de faire le partage entre le nécessaire et le contingent […] dans ce domaine des interventions d’ordre prudentiel, il est avéré que des documents magistériels ne soient pas exempts de déficiences ».

On doit même aller plus loin et considérer, avec Yves Daoudal, que « les décisions des papes et des conciles ne sont pas toujours le magistère de l’Eglise ». Ils en donnent des exemples historiques, anciens et récents, dans un très intéressant article de l’avant-dernier numéro de Reconquête (70, boulevard Saint-Germain, 75005 Paris ; n° 253 de novembre-décembre 2008).

Yves CHIRON

samedi 24 janvier 2009

[Présent] En attendant saint Thomas – par Yves Chiron - 24 janvier 2009

[Présent] En attendant saint Thomas – par Yves Chiron - 24 janvier 2009

Le père dominicain Jean-Pierre Torrell, qui est un des maîtres d’œuvre du renouveau thomiste dans l’édition depuis les années 1980, raconte qu’à l’époque de sa formation dominicaine, dans les années 1950 (soit les dernières années du pontificat de Pie XII), l’étude de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin constituait la part essentielle du cursus : « Semaine après semaine, à raison de cinq heures de théologie dogmatique (Ia et IIIa Pars) et cinq heures de théologie morale (IIa Pars), chaque semaine pendant quatre ans, nous avons étudié Thomas dans le texte » (Confessions d’un “thomiste“, p. 46).

Même pas une génération plus tard, dans la deuxième moitié des années 1960, selon le témoignage d’un autre dominicain, le Père Jean-Miguel Garrigues, dans les mêmes couvents dominicains, la phénoménologie, Heidegger, les « maîtres du soupçon » (Marx, Nietzsche, Freud) sont davantage étudiés que saint Thomas d’Aquin. Le P. Garrigues avoue que durant ses années de théologie, il n’a jamais étudié la partie morale de la Somme théologique (cf. Présent, 27/9/2008).

Un évêque dominicain, de la même génération que le P. Garrigues, confirme la chose pour les années suivantes, les années 1970. Il s’agit de Mgr Bruguès, celui que Jean Madiran a interpellé dans La Trahison des commissaires (Via Romana, 2008, 3e édition revue et augmentée), et qui a été promu secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique. Dans une conférence à l’Angelicum, Mgr Bruguès a reconnu qu’ « après mai 68 [même avant, si l’on se réfère au P. Garrigues], la théologie morale, du moins en France, était tombée dans un état profond d’abandon. Pendant deux ans, les séminaristes de Toulouse n’ont reçu aucun enseignement dans cette matière, réputée si ingrate et ennuyeuse qu’on ne trouvait personne disposé à l’enseigner ».

Dans les années 1970, dit encore Mgr Bruguès, qui commença à cette époque à enseigner la morale, « l’idée même de faire référence aux maîtres de la Tradition provoquait chez eux [les étudiants en théologie et les séminaristes] des réactions allergiques. Impossible ne serait-ce que de prononcer le nom de Thomas d’Aquin, sous peine de les voir tous se boucher les oreilles. »

Quand, dans ces années fin 1960-1970 – c’est-à-dire les années de l’après-concile –, des analystes et des commentateurs se scandalisaient de cette déliquescence de l’enseignement théologique, les médias catholiques et nombre d’évêques les traitaient de « réactionnaires », d’ « intégristes » et de « prophètes de malheur »…

Où en est-on ?

Mgr Bruguès nous dit que le retour de saint Thomas, pour la théologie morale, s’est fait à l’occasion de la rédaction du Catéchisme de l’Eglise Catholique, donc au début des années 1990. La troisième partie, sur la morale générale, commence, comme dans la Somme théologique, par la création de l’homme à l’image de Dieu puis, l’exposé de la morale personnelle, à l’initiative de celui qui était encore le cardinal Ratzinger, a été à nouveau établi à partir du décalogue, « chacun des dix commandements devant s’accomplir dans les vertus morales et théologales ». Mgr Brugès estime : « L’enseignement de la théologie morale à partir des grandes intuitions du thomisme a donc encore un brillant avenir devant lui. »

Le retournement ou le retour est pourtant loin d’être généralisé. Le P. Torrell, dans ses toutes récentes Confessions d’un “thomiste“, déjà citées, reconnaît : « Thomas est quasiment inconnu dans la littérature théologique spécifique, et le thomisme demeure pratiquement absent de pays entiers où il était autrefois florissant. […] Au moment même où nous n’avons jamais été mieux équipés pour cela, Thomas n’est plus étudié directement dans le texte par les théologiens. S’il l’est encore, c’est par une infime minorité et en quelques lieux relativement rares. » En d’autre termes, la belle forêt éditoriale thomiste (cf. Présent du 19/10/2008) ne doit pas cacher le quasi-désert de son étude concrète dans les couvents d’étude, les séminaires et les facultés de théologie.

Le P. Torrell regrette aussi « l’absence d’un manuel d’introduction à l’ensemble de la théologie de saint Thomas » (p. 69). Il nous dit encore, presque incidemment : « il est regrettable que le Concile [il veut dire le concile Vatican II], qui recommandait d’étudier Thomas [il veut dire saint Thomas d’Aquin] de préférence aux autres théologiens, n’ait pas été mieux suivi sur ce point » (p. 71).

Le problème vient, justement, de ce qu’il ne s’agissait d’une « recommandation » et non d’une injonction argumentée. Il faudrait peut-être quelque acte plus solennel d’une autorité, la Congrégation pour l’Education catholique par exemple, pour rétablir la pensée de saint Thomas comme norme de l’enseignement théologique.

Yves CHIRON


Jean-Pierre Torrell, Théologie et spiritualité suivi de Confessions d’un « thomiste », Cerf, 75 pages.

samedi 17 janvier 2009

[Présent] La vocation monastique – Yves Chiron - 17 janvier 2009

[Présent] La vocation monastique – Yves Chiron - 17 janvier 2009

Il y a trente ans, en novembre 1977, Dom Gérard, prieur du monastère Sainte-Madeleine encore installé à Bédoin, donnait une conférence à Paris, à la Mutualité, devant un vaste public. Il voulait rappeler « la signification profonde de la vie monastique dans le monde moderne ». La première signification de la vie monastiquement consacrée est de se vouer à la contemplation, qui prend d’abord des voies réglées : « l’adoration, l’admiration, la louange ».

Ce faisant, la vie monastique est témoignage, face à l’oubli mondain de Dieu, mais elle est aussi anticipation de la vie éternelle, de la vie en Dieu qui sera toute contemplation, louange et amour. On peut ajouter que nous, pauvres pécheurs dans le siècle, nous savons cela, le plus souvent, par les livres, par les bons auteurs ; le moine le sait par expérience, par la vie quotidienne.

La vie contemplative du moine a, disait aussi Dom Gérard, une valeur apostolique. La gratuité de sa vie retirée, de sa vie de prière, n’est pas sans fruits immédiats pour lui, sans doute, mais aussi pour les autres. Il y a une fécondité de la gratuité, disait Dom Gérard, par le mystère de la communion des saints. C’est ainsi que le moine, même le plus retiré du mon
de, est « un sauveur des âmes ».

Ce sont ces considérations, réconfortantes, que l’on a l’esprit lorsqu’on lit le 6e volume de la grande histoire des moines en Occident d’Ivan Gobry. Commencée, il y a plus de vingt ans maintenant, avec le premier monachisme, celui du Désert, cette fresque imposante s’était arrêtée, il y a plus de dix ans, à la fondation de l’ordre cistercien et à la grande figure de saint Bernard de Clairvaux. Elle se poursuit aujourd’hui avec un panorama des autres ordres du XIIe siècle, soit qu’ils soient créés à cette époque, soit qu’ils poursuivent leur développement.

On ne passera pas en revue les multiples ordres anciens (Cluny, Camaldules, Chartreux, Fontevrault, Grandmont, etc.) ou nouveaux (Cadouin, Savigny, Obazine) qu’Ivan Gobry évoque de manière ordonnée. On s’arrêtera à la doctrine monastique telle qu’elle s’exprime au XIIe siècle.

Un « tremplin »

Le bénédictin Pierre de Celle (1115-1183), qui fut abbé de Saint-Remi de Reims et qui termina comme évêque de Chartres, a publié, entre autres, un traité, De puritate, qui est un chemin vers la contemplation. « Cette contemplation, écrit Ivan Gobry en résumant l’ouvrage, et cette pureté intérieure qui la procure, n’ont rien de l’idéal des philosophes païens qui tentaient d’atteindre des Idées ou des vérités éternelles ; elles ont pour fin d’obtenir la parfaite conformité à Jésus-Christ, Sauveur et Modèle. Les vertus monastiques, dans toute leur rigueur et toute leur sublimité, n’ont pas d’autre but que de rendre à l’homme déchu sa splendeur première et, mieux encore, de revêtir l’humanité du Christ, qui est la pure image de dieu. Cette conformité sera réalisée dans le Ciel, où nous pourrons contempler ineffablement Celui auquel nous serons devenus semblables. »

Le « cloître matériel », dit un autre moine du XIIe siècle, le victorin Hugues de Fouilloy, n’est rien sans le « cloître spirituel » qu’il doit rechercher. Le monastère est la figure de la Jérusalem céleste. Pour Hugues de Fouilloy, résume Ivan Gobry, le cloître « n’est pas le lieu de la tranquille retraite, mais du départ vers les hauteurs ».

Près de neuf cents ans plus tard, dans d’autres de ses pages (Une Règle de vie, 1994), Dom Gérard retrouvait la même intuition : « Ce que les Pères de la vie monastique appelaient vie contemplative, nous l’appelons vie intérieure, afin de l’étendre à toute la vie, mais c’est la même réalité. Non pas un renfermement sur soi mais un rayonnement surnaturel, non pas un refuge mais un tremplin, non pas un abri mais un phare. »

Yves Chiron


Ivan Gobry, Le Siècle de saint Bernard, F.-X. de Guibert, 2008.



samedi 10 janvier 2009

[Présent] L’arianisme et le « pastoral » - Yves Chiron - 10 janvier 2009

[Présent] L'arianisme et le « pastoral » - Yves Chiron - 10 janvier 2009

Le 29 juin 1975, dans une lettre à Mgr Lefebvre, Paul VI l’avait adjuré d’accepter les textes du concile Vatican II et les réformes qui avaient suivi. Le concile Vatican II, estimait le pape, « qui ne fait pas moins autorité, qui est même sous certains aspects plus important que celui de Nicée ».

Le concile de Nicée, en 325, avait condamné l’hérésie d’Arius, réaffirmé dogmatiquement la divinité du Christ et défini le « Symbole de Nicée » (la première partie du Credo). La comparaison entre les deux conciles et la suprématie donnée à Vatican II avaient choqué les traditionalistes et ému jusqu’au Secrétaire d’Etat, le cardinal Villot, qui n’avait, néanmoins, pas réussi à convaincre Paul VI de modifier ce passage de sa lettre.

Aujourd’hui, un cardinal italien, le cardinal Biffi, prend le contre-pied de Paul VI, sans le nommer. Dans son dernier livre, Pecore et pastori (éd. Cantagalli), il écrit : « on peut dire que le Concile de Nicée est aujourd’hui beaucoup plus actuel que le Concile de Vatican II ».

Ce n’est pas une opinion en l’air, mais la conséquence d’un constat. « Le problème de l’arianisme, écrit encore le cardinal, est toujours à l’ordre du jour dans la vie ecclésiale. Les prétextes sont nombreux : du désir de sentir le Christ plus proche et comme l’un d’entre nous, au projet de faciliter sa compréhension en exaltant de manière presque exclusive les aspects sociaux et humanitaires. À la fin, le résultat est toujours d’enlever au Rédempteur de l’homme son unicité radicale et de le classer parmi les êtres affables et familiers. »

L’arianisme christologique, historique, c’est la négation de la divinité du Christ. À l’époque contemporaine, l’arianisme a pu prendre des formulations moins radicales, moins explicitement négatrices, mais tout autant réductrices. Et aussi, il s’est doublé, depuis plusieurs décennies, d’un arianisme ecclésiologique, qui ramène la mission de l’Eglise à de l’horizontalisme ou une animation vaguement spirituelle.

Adaptation ou conversion

Dans un précédent ouvrage (Memorie e digressioni di un italiano cardinale, éd. Cantagalli), le cardinal Biffi avait regretté, sur un ton charitable, que le concile Vatican II n’ait voulu être qu’un concile pastoral : « tous, dans l’aula vaticane et au dehors, se montraient contents et satisfaits de ce qualificatif ». Il dit aujourd’hui , comme en un aveu : « Le concept me paraissait ambigu et je trouvais un peu suspecte l’emphase avec laquelle la “pastoralité“ était attribuée au Concile en cours : peut-être voulait-on dire implicitement que les précédents Conciles n’avaient pas eu l’intention d’être “pastoraux“ ou ne l’avaient pas été suffisamment ? N’était-il pas important, pourtant, d’un point de vue pastoral d’expliquer clairement que Jésus de Nazareth était Dieu et consubstantiel au Père, comme l’avait défini le Concile de Nicée ? N’était-il pas important, d’un point de vue pastoral, de préciser le réalisme de la présence eucharistique et la nature sacrificielle de la messe, comme l’avait fait le Concile de Trente ? N’était-il pas important, d’un point de vie pastoral, de présenter dans toute sa valeur et toutes ses implications le primat de Pierre, comme l’avait enseigné le Concile Vatican I ? »

D’un livre à l’autre, on voit la corrélation établie par le cardinal Biffi entre la volonté de « pastoralité » et ce qu’on pourrait appeler le risque d’arianisation des esprits.

Le cardinal écrit encore : « La première et irremplaçable “miséricorde“ pour l’humanité perdue est, selon ce qu’enseigne clairement la Révélation, la “miséricorde de la vérité“ ; une miséricorde qui ne peut être exercée sans la condamnation explicite, ferme, constante de tous les travestissements et de toutes les altérations du “dépôt“ de la foi, qui doit être conservé » (Memorie).

Celui qui fut archevêque de Bologne de 1984 à 2003 souligne combien l’idée d’ « adaptation » peut mettre en danger l’intégralité et la pureté de la Révélation surnaturelle : « Parfois, dans certains secteurs du monde catholique on en arrive même à penser que c’est la Révélation divine qui doit s’adapter à la mentalité ambiante pour réussir être crédible et non la mentalité ambiante qui doit se convertir à la lumière qui nous vient d’en haut.Il faudrait pourtant réfléchir au fait que c’est la “conversion“, et non l’“adaptation“ qui est une parole évangélique » (Pecore e pastori).

C’est au cardinal Biffi que, il y a deux ans, Benoît XVI avait demandé de prêcher la retraite de Carême au Vatican. À cette occasion, l’ancien archevêque de Bologne avait évoqué l’avertissement prophétique de Soloviev sur la « falsification du Bien » qui est une des caractéristiques de l’Antéchrist.

Yves Chiron

samedi 3 janvier 2009

[Présent] Les faux prêtres et faux évêques du Frechou - Yves Chiron - 3 janvier 2009

[Présent] Les faux prêtres et faux évêques du Frechou - Yves Chiron - 3 janvier 2009

Un hebdomadaire, bien intentionné et dépourvu d’hostilité à l’égard de l’Eglise catholique, publie un reportage sur l’action charitable de la Fraternité Notre-Dame en Mongolie. Son « dévouement exemplaire dans un pays oublié du monde » est évoqué sur deux pleines pages, avec photographies à l’appui. Les deux journalistes ne tarissent pas d’éloges sur ces religieux et religieuses « venus de France » qui « gèrent des logements, une école et un orphelinat ».

Nous est simplement signalé, en quelques lignes au milieu de l’article, que cette congrégation, « attachée au rite de saint Pie V », est « non reconnue par le Saint-Siège », que son fondateur, « Mgr Jean-Marie », affirme « avoir assisté, le 10 juin 1977, à une apparition de la Vierge au Fréchou, une petite communauté du Lot-et-Garonne » et que cette congrégation « fut classée comme “secte“ dans un rapport de 1995, mais sans éléments tangibles ».

C’est un peu court. On n’attend pas d’un hebdomadaire d’actualités, généraliste, qu’il expose dans le détail l’histoire d’une congrégation religieuse, mais quand il s’agit d’une communauté contestée dont on vante les réalisations, il faut s’informer davantage et informer les lecteurs.

Le fondateur en question, Roger Kozik à l’état-civil, prétend avoir eu non pas une apparition de la Vierge Marie mais des dizaines, qui continuent, dit-il, aujourd’hui. Ancien séminariste, il s’est fait ordonner prêtre à trois reprises par de pseudo-évêques : en juin 1974 par Jean Laborie, qui fondera plus tard l’ « Eglise Catholique Latine » ; en janvier 1976 par André Enos, qui se prétend « Primat des Eglises catholiques indépendantes », en mai 1977 par un pseudo-évêque lié aux fausses apparitions de Palmar de Troya. L’ « abbé » Kozik a été consacré évêque, quelques jours plus tard, au même endroit. Puis, en 1978, ayant rompu avec la secte palmarienne, il s’est fait sacrer évêque, une deuxième fois, par Mgr Ngo Dinh Thuc, seul évêque catholique, dans cette histoire, a avoir été consacré canoniquement.

On sait que les consécrations inconsidérées faites par Mgr Thuc, sans mandat pontifical, n’ont jamais été reconnues par l’Eglise. Roger Kozik a lui-même ordonné prêtres et consacré évêques plusieurs membres de sa communauté.

Tout cela ne relève que de la triste histoire des marges et déviances religieuses. Mais la dite-Fraternité Notre-Dame cache ses origines réelles et se fait passer pour ce qu’elle n’est pas. Son action caritative, dans plusieurs pays (Etats-Unis, Mongolie, etc ?), abuse les autorités politiques et les institutions sur sa vraie nature : la Fraternité Notre-Dame est tout entière fondée sur l’illusion mystique et l’illégalité canonique.

Pourtant, nombre d’autorités et d’institutions sont mal informées à son sujet et comblent d’honneurs son fondateur. En novembre 2002, sur proposition du Ministère de la Coopération et de la Francophone, « Mgr Kozik » a été élevé au grade de chevalier de l’Ordre national du Mérite pour ses « 32 ans de vie religieuse, de dévouement et de services militaires ». L’année suivante, en présence de l’intéressé, le nom du « Rev. Bishop Jean Marie R. Kozik » a été donné à une rue de Chicago (le consul de France prononça son éloge). En 2004, à New-York, le visionnaire-fondateur a reçu le Paul Harris Fellow Award, la plus haute distinction décernée par le Rotary Club. Depuis plusieurs années aussi, la Fraternité Notre-Dame a été admise parmi les organisations non gouvernementales dotées d’un statut consultatif spécial auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies.

Des condamnations

Toutes ces institutions ignoraient, on veut le croire, la situation canonique réelle de l’intéressé. Depuis le 13 août 1977, les évêques successifs d’Agen ont multiplié les déclarations et les mises en garde contre les apparitions du Fréchou jugées non authentiques. L’Eglise catholique ne reconnaît pas les ordinations et consécrations reçues par Roger Kozik et ses compagnons.

Qui plus est, le 10 mai 1991, suite à des plaintes d’anciens adeptes du Fréchou, la Cour d’appel d’Agen a confirmé une condamnation « pour abus de confiance » contre Roger Kozik et trois autres membres de sa communauté : des peines de prison avec sursis, assorties d’une mise à l’épreuve de trois ans et d’une privation de droits civiques pendant cinq ans. En décembre suivant, la Cour de Cassation rejetait le pourvoi déposé par les condamnés.

Désormais la « Maison Mère de l’Ordre » est établie à Chicago, « Mgr Jean-Marie » y réside habituellement. Mais la chapelle du Fréchou et la communauté établie sur place attirent toujours beaucoup de fidèles naïfs et mal informés.

Yves Chiron