samedi 13 septembre 2008

[Présent] Les choses que Benoît XVI veut nous dire

Présent, 13 septembre 2008
Benoît XVI occupe le siège de Saint-Pierre depuis trois ans et cinq mois. Son élection fut « une immense déception pour d’innombrables personnes » a dit le théologien progressiste et moderniste Hans Küng (interdit d’enseignement par Jean-Paul II, rappelons-le). Pourquoi une « déception » ? Parce que Hans Küng savait bien que ce pape, qu’il a connu comme théologien et professeur d’université en Allemagne, ne serait ni un novateur, au sens où lui entend la nouveauté, ni un « progressiste ».
Alors que Benoît XVI accomplit son premier voyage officiel en France, un ouvrage mérite de retenir l’attention parce qu’il est perspicace et honnête. Il est dû à la plume de John L. Allen, correspondant à Rome de la revue National Catholic Reporter et spécialiste du Vatican pour CNN, la grande chaîne américaine d’informations. C’est un vaticaniste ou vaticanologue reconnu, un des rares journalistes qui puisse se prévaloir de cette qualité au nom un peu barbare — ils sont quatre ou cinq dans le monde, les autres sont presque tous italiens.
John L. Allen saisit bien une des qualités de Benoît XVI : le pape est l’ennemi des décisions précipitées. Son temps n’est pas celui du monde moderne, c’est le temps de l’Eglise, déroutant pour les impatiences humaines : « Il y a chez lui, écrit Allen, une sérénité, une absence de ce que les Allemands appellent Angst (“angoisse“), qui est enracinée dans une conviction : l’acte final de l’histoire dans laquelle nous sommes tous impliqués a déjà été écrit, et cette histoire se termine bien. Il ne ressent donc pas le besoin de passer sans cesse d’une initiative à la suivante, ni de résoudre d’un seul bond tous les problèmes de l’Eglise. Mieux que la plupart de ses contemporains, il comprend les complexités de ces difficultés, à la fois sur le plan intellectuel et sur le plan pastoral, et il se rend compte aussi qu’il est important de réfléchir de façon approfondie avant de prendre des dispositions aux conséquences imprévues.
Dans un monde impatient, Benoît XVI est un homme très patient. Pour paraphraser saint Augustin, il arrive que l’absence même d’actions de sa part constitue une “parole “ importante pour les femmes et les hommes tourmentés de son époque. »
La vertu ce patience est donc une des caractéristiques de Benoît XVI, une des Dix choses que Benoît XVI veut nous dire (selon le titre de l’ouvrage de John Allen que les éditions Parole et silence publient). On n’énumèrera pas les neuf autres « choses » que, selon Allen, le Pape a à nous dire.
On peut aussi tenter de résumer la politique pontificale de Benoît XVI (du moins, telle qu’on l’a pu la voir en œuvre jusqu’ici et en reprenant ses expressions) en trois axes :
• le combat contre le relativisme, c’est-à-dire « l’idée selon laquelle, en donnant une valeur indistincte à tout, on assure la liberté et la libération de la conscience » ;
• la restauration de la liturgie de l’Eucharistie comme acte d’adoration et d’offrande, acte salvateur « au cœur de la vie de l’Eglise » ;
• le nécessaire engagement des chrétiens dans la vie de la cité non pour seulement témoigner mais pour « retrouver la capacité du non-conformisme, c’est-à-dire la capacité de s’opposer à de nombreux développements de la culture environnante. »
Benoît XVI est un pape théologien, il a été longtemps professeur de théologie et il a publié une œuvre importante (à laquelle, depuis qu’il est pape, il a ajouté d’autres titres). Mais à la différence d’autres théologiens de son temps et de son aire linguistique – Küng, Balthasar ou Rahner –, il n’a pas prétendu construire un système nouveau ou proposer une vision nouvelle du christianisme. Sa théologie a toujours été d’abord une catéchèse : un enseignement destiné à éclairer et à faire grandir dans la foi. Le théologien Joseph Ratzinger théologien devenu le pape Benoît XVI (et encore plus depuis qu’il est Benoît XVI, si l’on peut dire) a le souci de présenter aux fidèles, comme à ceux qui le sont moins ou pas du tout, « la folie de la vérité » du christianisme : c’est le meilleur « service » que l’Eglise puisse rendre au monde. Il l’écrivait en 1982.
Yves Chiron